ART INTERNATIONAL ZURICH 1999

LAUDATIO

Mesdames, Messieurs,

L'art d'aujourd'hui n'a guère changé Comme tout le reste, il fait partie de la société et est donc soumis à l'esprit du temps. Le changement se limite tout au plus à son aspect superficiel. Depuis l'époque des Modernes, l'ambition souvent affichée et d'ailleurs assez noble des artistes et des organisateurs d'expositions de montrer des œuvres entièrement nouvelles est vide de sens: comment dépasser encore la toile blanche ou transpercée ?

L'artiste ambitieux n'a plus qu'a s'en tenir aux traditions en essayant d'y ajouter une inspiration ou l'autre. II réussira parfois une véritable innovation qui nous exhortera, nous les observateurs curieux, à découvrir d'autres horizons, à réviser nos jugements ou même nos opinions. Ce qui est déjà appréciable. Et de fait, les sociétés ne progressent-elles pas lorsque vivant le présent, elles reflètent le passé, ceci afin de conquérir l'avenir? Artistes et organisateurs d'expositions sont inhérents à ces sociétés et donc soumis à celle même loi. Joseph Beuys lui-même l'a constaté et a fait tout un programme de cette formule: «Nous sommes tous des artistes!».
Plus de vingt ans se sont écoulés et cette conception a perdu de son caractère révolutionnaire, mais replacée dans son contexte, elle est reprise aujourd'hui par les organisateurs de l'exposition, ainsi que par les membres du jury. Comme tout organisateur qui se respecte, ceux-ci durent se poser cette question: qui et quoi exposons-nous? Du nouveau évidemment, mais à part cela?

Tout le monde prétend faire du nouveau. Sauf qu'en y regardant de plus près, ces nouveautés ne sont pas si originales que ça. Alors, ä quoi bon... comme dans l'art, présenter du neuf en peinture, en dessin, en sculpture, en photographie, en installation et en performance, si le neuf n'existe plus ?
C'est ici que la conception de l'art d'un Joseph Beuys nous arrive ä propos: Laissez donc l'artiste s'exprimer, se réaliser, donner libre cours ä ses fantaisies, car c'est seulement de là que naissent les vrais innovations.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Le concept de l'exposition d'art est simple et clair. On aurait pu craindre qu'un jury prétendant ä un tel programme opère des choix à sa guise et sans grand intérêt. Le Jury a évité ce piège en choisissant justement les artistes et leurs œuvres en fonction de leur individualité. Ce qui n'est possible qu'en se consacrant ä une production sérieuse et continue dans tous es domaines des arts plastiques. C'est au visiteur de décider quelle personne est pour lui un véritable artiste, au sens le plus noble du terme.

En conclusion, il me reste ce souhait: Même si l'idée de créer et de montrer du neuf devait échouer, qu'un vent frais parcoure du moins le monde artistique - en particulier celui de Zürich.

Texte : Dr. Claus-Peter Böhner 1999